28 janvier 2008

Apophenia

L' Apophénie : une altération de la perception qui conduit le patient à attribuer un sens particulier à des événements banals. Mais (heureusement) le terme est maintenant largement utilisé pour décrire cette tendance sans nécessairement impliquer de trouble neurologique ou de maladie mentale. Ouf !
Je ne crois pas être le seul à avoir parfois ce genre de perception, de fait qui n'a pas reconnu dans ces signes de la vie de tous les jours, des éléments qui fondent ou déterminent une amitié ou une relation amoureuse, un tournant impromptu dans l'existence : la notion selon laquelle il n'y a pas de hasard, qu'on serait en quelque sorte prédéterminé, que les événements suivraient un ordre divin ou fatidique auquel on ne peut échapper.
Il y a quand même des circonstances qui frappent. Un exemple qui m'a tenu éveillé cette nuit...
Hier nous avons regardé la dernière émission de «Minuit, le soir» à la SRC, rien de bien spécial, j'avais même deviné la suite du scénario et j'étais certain que le portier interprété par Marc Legault allait se faire descendre pour la fin de la série. Rien de bien extraordinaire, je le répète, c'était cousu de fil blanc, visible même le soir à minuit. 
En voix hors champ, suit la lecture de la fin du premier roman lu par Julien Poulin, fraîchement sorti de son analphabétisme, il lit pour son ami, en guise de conclusion :

«Il tomba en octobre 1918, par une journée qui fut si tranquille sur tout le front que le communiqué se borna à souligner qu'à l'ouest, il n'y avait rien de nouveau.
Il était tombé la tête en avant, étendu sur le sol, comme s'il dormait. Lorsqu'on le retourna, on vit qu'il n'avait pas dû souffrir longtemps. Son visage était calme et exprimait comme un contentement de ce que cela s'était enfin terminé. »

Une belle fin quoi. 
Un passage bien choisi d'un livre que je ne connaissais pas.

Où j'en viens à mon titre, c'est qu'en remontant à la chambre, j'ai décidé de lire un peu. J'ai pris «Un certain sens du ridicule» un livre d'essais de Mordecai Richler, et en tournant la page 209, juste après mon signet, Mordecai nous parle du premier roman sérieux, qu'il a lu à treize ans et qui l'a influencé peut-être jusqu'à devenir écrivain. 
On y lit le même passage, tiré du roman de Erich Maria Remarque : «À l'ouest rien de nouveau», que je devrai lire maintenant.
Évidemment, tout cela n'est que pur hasard... Et en relisant l'arrière de la jaquette du livre ce matin, j'ai pu voir que les textes avaient été choisis par Nadine Bismuth, je trouverai probablement qu'elle a collaboré à la série... Mais quand même, j'aurais pu prendre un autre des trois livre sur ma table de chevet, j'aurais pu ne pas lire, il était déjà tard. Et j'aurais pu avoir plus d'une page à tourner avant de tomber sur le passage fatidique.
Auparavant en soirée, j'avais reçu cette réponse de Rolling Red à mes salutations : 

"It is a funny coincidence that you send this email while I am preparing my next blog entry.
I must admit, I have not read your blog in a while now. I guess I am waiting for that novel that I imposed on you writing in my own head :) You just gave  me a good reason to catch up on reading your posts."
Coincidences, hasard...

Et me revient en tête ce haiku de Issa:
Rosée que ce monde-ci, 
Rosée que ce monde, 
Oui, sans doute, et pourtant...