10 avril 2006

Compression

J'ai parfois l'impression qu'on pourrait gagner beaucoup de temps et ramener toute existence, aussi remplie soit-elle, à une courte séquence d'événements vraiment importants, le tout durerait un mois ou moins. Quelques aubes on deviendrait conscient, le temps de perdre ses dents de bébé et l'enfance serait vite terminée, on devient adulte dès la première fin de semaine. On a lu ses classiques et on connaît l'amour après quelques brèves rencontres, on fait quelques voyages, on finit ses études, on perd ses grand-parents; la deuxième semaine on a quelques enfants, un vrai mal de dent ou une méchante grippe, un accident de voiture, une épiphanie en voyant la mer encore une fois, ou en prenant l'avion une nuit de pleine lune. À la fin de la deuxième semaine on est au milieu de sa vie, mature, aguerri, bientôt grand-père? On a pris cinquante livres, des cheveux blancs, une solide expérience, on comprend que les deux prochaines semaines, ce ne sera pas de la tarte, on n'a pas assez investi dans son fond de pension, on a un début d'arthrite, des poils aux oreilles. Qu'avons nous retenu? Qu'aurons nous compris, appporté?
Me vient en tête cet haïku de Issa:
"Rosée que ce monde-ci,
Rosée que ce monde,
Oui, sans doute. Et pourtant."