Il y a un moment dans la vie, où elle vous reprend tout ce qu'elle vous avait donné. On pourrait croire pendant ces longs instants, que la vie se venge. On pourrait même penser que comme un dieu cruel et plus sadique qu'un enfant méchant, aussi stupide qu'un homme saoul et violent, elle frappe aveuglément et torture notre chair, dans un dessein aussi obscur que vide.
En voyant le sang noir voyager péniblement à la surface de la main squelettique de ma mère, ses bras amaigris, sa chair usée et blessée, ses beaux yeux bleus, grisés d'abîme et de souffrance, sa poitrine bleuie par la douleur de respirer, je contemple la fin dernière de toute une existence, exemplaire et sacrifiée, et le monde me semble beau mais absurde et terriblement cruel. Parce que ce matin, même si elle souffre, peine à respirer, et ne parvient pas à avaler l'eau de l'éponge que je porte à ses lèvres séchées, l'air est frais, les oiseaux chantent et volent dans le ciel pur du printemps qui s'en vient comme le show must go on. Je serre les dents et je voudrais me venger de ce dieu masochiste qui nous a fait mortels et souffrants pour peupler son ennui, mais il est déjà mort ou salement endormi.